JULIEN TASSIN : PRIMITIV
Déjà, la pochette, une peinture abstraite de Bart Vandevijvere, éveille la curiosité, annonçant une fête des tonalités et des formes qu’on retrouvera dans la musique. Après « Momentum » et « Pictures From Home », Primitiv est le troisième album en solo du guitariste Julien Tassin. En l’absence de basse et de batterie, le défi était de garder toute l’expressivité de la musique. Un pari osé mais réussi : voici un disque dont la force réside dans l’alliance entre une apparente simplicité, des mélodies narratives, des ambiances prenantes assez familières pour qu’on s’y plonge avec délice, et une esthétique raffinée.
On sent le musicien en quête d’une intériorité. Ainsi, « Mantra », par exemple, respire la sérénité. En plus, cette manière de doubler la ligne mélodique avec la voix ajoute indéniablement un halo de profondeur, voire de spiritualité, à la musique. Telles les sculptures de sable d’un jardin zen minimaliste, voici des notes choisies avec discernement qui peuvent conduire à la méditation, à la réflexion et à la paix intérieure. D’autres pièces comme « Spring One », « Initiation » et « Mozaik », avec sa révérence pour les couleurs du blues, prolongent avec bonheur cette approche introspective hostile à toute préoccupation virtuose. Mais le répertoire riche en timbres inclut quelques surprises. Sur « Troubles », la guitare acoustique trafiquée par un effet de saturation se fait plus inquiétante, plus mordante. Tout en suggérant la turbulence, la musique se contient néanmoins, quitte à vagabonder au bord de la rupture sans jamais se résoudre à la consommer. Et si « Work » est une sorte de rock psychédélique qui renvoie aux années 60, « Primitiv » se révèle être une composition éthérée en forme d’épure qu’il faut louer pour sa concision et sa formidable structuration. Et puis, il y a « Lame » qui nous emporte au large sur une vague ample aux contours indéfinis. Le disque dure 37 minutes : c’est déjà beaucoup ! Mais l’enchantement est si parfait qu’on aurait adoré que des thèmes splendides comme « Enfants » et « Soleils », qui ne sont guère plus longs que des interludes, aient été davantage développés.
« Primitiv » est un disque différent, une création unique, élégante et poétique de la part d’un guitariste qui a trouvé une voie originale dans la solitude et a réussi à la concrétiser avec honnêteté, sensibilité et talent.
Retrouvez Julien Tassin en interview dans JazzMania ce mercredi 21 septembre.